Le chômage des jeunes reste un défi mondial majeur. Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), le nombre de jeunes chômeurs au monde est estimé à 65 millions en 2023. Malgré les nombreux programmes lancés par les gouvernements, les ONG et les bailleurs, le chômage et la précarité des jeunes demeurant préoccupants. Le manque de données probantes sur l’efficacité des interventions limite la capacité des décideurs à adapter les politiques. Il est important de renforcer le suivi-évaluation (S&E) des initiatives « emploi des jeunes » pour maximiser leur impact et éclairer les choix politiques. Cet article aborde les défis majeurs de l’évaluation des programmes d’emploi pour les jeunes et propose des solutions concrètes pour bâtir une culture de suivi-évaluation plus efficace et inclusive.
Pourquoi évaluer les programmes d’emploi pour les jeunes ?
L’évaluation des programmes d’emploi pour les jeunes n’est pas un simple exercice de « vérification ». Elle constitue un outil stratégique fondamental pour les décideurs politiques et les ONG.
Améliorer la prise de décision et orienter les politiques
Les jeunes sont particulièrement exposés au chômage, à l’emploi précaire ou à l’informel. International labour organisation (ILO) souligne que même si l’économie croît, la situation des jeunes diffère souvent de celle des adultes en matière d’emploi ou de revenus. L’évaluation des programmes d’emploi pour les jeunes permettra de fournir des preuves de ce qui fonctionne ou non et d’orienter l’allocation des ressources vers les interventions les plus efficaces.
Les données recueillies serviront également à ajuster les programmes en cours. Bien réalisées, les évaluations aident les praticiens à identifier les barrières à l’emploi des jeunes et les écarts inattendus. Sans évaluation, il serait impossible de connaître le véritable impact des programmes d’emploi.
Mesurer la qualité et la durabilité des résultats
Souvent, les acteurs se contentent de mesurer le nombre de jeunes formés ou placés. Il est important d’aller au-delà. En plus des « outputs », il faudra aussi mesurer les « outcomes » (insertion durable, revenu, qualité de l’emploi, protection sociale) et l’impact. Cela permettra de s’assurer que les emplois créés sont décents (qualité, sécurité et perspectives) et non seulement temporaires et informels. ILO propose un menu d’indicateurs : opportunités d’emploi, qualité de l’emploi, accès à l’emploi et compétences. Cette exigence de qualité garantit que les politiques ciblent l’employabilité réelle et durable des jeunes.
Favoriser l’apprentissage organisationnel, la redevabilité et l’amélioration continue
Le S&E est un outil de transparence et de responsabilité. Les donateurs, les ONG et les gouvernements ont besoin de savoir si les fonds engagés produisent les résultats prévus. L’évaluation permet non seulement d’assurer la redevabilité mais aussi l’apprentissage. Elle permet de tirer des leçons, d’ajuster les programmes et d’enrichir la planification stratégique.
Les défis courants de l’évaluation des programmes d’emploi pour les jeunes
Évaluer efficacement les programmes d’emploi représente un exercice complexe. De nombreux obstacles compromettent la capacité des acteurs à mesurer l’impact réel de leurs initiatives.
Manque de données fiables et de suivi à long terme
L’absence de suivi longitudinal et de bases de données solides constitue un défi majeur dans l’évaluation des programmes pour l’emploi des jeunes. Un rapport de la Banque mondiale révèle que de nombreux programmes manquent de systèmes adéquats de suivi-évaluation et de mesure d’impact. Dans de nombreux pays, il manque de statistiques actualisées sur l’emploi des jeunes. Sans une base de référence, il est difficile de mesurer les progrès réels.
Indicateurs inadéquats ou trop centrés sur les résultats immédiats
Beaucoup de programmes se contentent de comptabiliser le nombre de jeunes formés ou nombre de stages effectués à la fin du programme. Ces indicateurs outputs ne reflètent pas toujours l’efficacité des programmes. Ils oublient la qualité et la pérennité dans l’emploi ou la progression salariale. L’absence de cadre logique solide conduit à des évaluations superficielles.
Contraintes budgétaires et capacités limitées en suivi-évaluation
Les ressources financières (<5 % du budget total) et humaines dédiées à l’évaluation des programmes sont souvent insuffisantes. Beaucoup d’organisations locales manquent de compétences en méthodologie d’évaluation. Ce déficit de moyen financier et humain ne permet pas l’acquisition des outils robuste. Il conduit aussi à négliger le suivi post-intervention.
Participation limitée des jeunes et des parties prenantes
Les bénéficiaires (jeunes, entreprises locales, ONG communautaires et autres) sont rarement associés à la conception et l’évaluation des programmes. Sans feedback des jeunes sur les formations suivies ou sans implication des employeurs dans le choix des indicateurs, les évaluations peuvent passer à côté des contraintes concrètes (inadéquation formation-marché de l’emploi, stigmatisation de certains groupes et autres). Cela crée un biais dans l’évaluation et réduit l’approbation des résultats par les communautés locales.
Court-termisme des programmes et des évaluations
Les programmes d’emploi dédiés aux jeunes sont souvent limités à 1 ou 2 ans. Cela ne favorise pas un suivi durable des jeunes. Les bailleurs et acteurs politiques privilégient les résultats rapides négligeant l’effet à long terme. La vision court-termisme fausse l’analyse de l’impact réel sur l’employabilité des jeunes et décourage les évaluations post-programme.
Bonnes pratiques et solutions concrètes
Avant de renforcer l’impact des programmes d’emploi pour les jeunes, il faut tirer les leçons des évaluations antérieures. Voici quelques bonnes pratiques pour une évaluation efficace des programmes d’emploi pour les jeunes.
Renforcer les systèmes de suivi et de collecte de données
Un système de suivi-évaluation efficace repose sur des données continues, fiables et désagrégées. Il est donc important d’investir dans les bases de données nationales et locales (enquêtes, registres d’apprentissage et plateformes numériques). Certaines villes mettent sur place des observatoires locaux de l’emploi pour jeunes qui capitalisent les informations des services publics et privés. L’utilisation des nouvelles technologies (applications mobiles, enquêtes SMS et autres) peut élargir la couverture des enquêtes jusqu’aux populations vulnérables. Grâce aux données fiables, les acteurs peuvent construire des référentiels « baselines » et mesurer l’évolution réelle des indicateurs clés (taux d’emploi, niveau de revenu, etc…).
Utiliser un cadre logique et des indicateurs pertinents
En amont, il est recommandé de formaliser une théorie de changement axé sur des résultats attendus du programme. Cela fixe le fil conducteur pour le S&E. Les indicateurs doivent être SMART et inclure des mesures d’outcome et d’impact (insertion durable, changement de niveau socio-économique). Un cadre logique centré sur l’impact doit être la colonne vertébrale de tout système de S&E, soutenue par une culture de la donnée.
Concevoir des évaluations rigoureuses et adaptées
Chaque programme d’emploi devrait définir un protocole d’évaluation adapté à son contexte et ses objectifs. Il faut aussi utiliser les méthodes mixtes (quantitative + qualitative). Il est important de documenter l’impact en isolant l’effet programme du bruit de fond du marché de l’emploi.
Impliquer les jeunes et les parties prenantes tout au long du processus
Les programmes à fort impact associent les bénéficiaires dès la conception et dans le suivi. Par exemple, des comités consultatifs des jeunes peuvent aider à définir les indicateurs de satisfaction ou de pertinence des formations. Les ateliers de restitution des résultats avec les ONG locales et les entreprises créent un cercle vertueux. Les acteurs s’approprient les données et ajustent en continu les actions. Le renforcement des capacités locales de S&E (formation, monitoring) favorise aussi la pérennité de ces pratiques. Il est également utile de partager les données et retours d’expérience entre ONG, gouvernements et bailleurs.
Allonger la durée des projets et des évaluations
Les bailleurs et gouvernements devraient prévoir des phases de suivi au moins 2 à 3 ans après la fin du programme. Le suivi des cohortes des anciens participants permet de mesurer l’employabilité à moyen terme. Cela favorise la collecte des données qui échappent aux évaluations à court terme. Il faudra aussi s’assurer que les ressources allouées au S&E sont suffisantes pour une évaluation complète ( au moins 5 à 10% du budget total).
Conclusion
Évaluer les programmes d’emploi des jeunes n’est pas un exercice bureaucratique. C’est un levier pour transformer les politiques publiques et maximiser l’impact social des investissements. Grâce à son expertise et son expérience, Kerus Consulting International garantit à ses partenaires une évaluation rigoureuse pour orienter les politiques, améliorer l’efficacité et obtenir des résultats durables.
Références
- Mesurer l’emploi décent des jeunes Un guide sur le suivi, l’évaluation et les leçons des programmes du marché du travail
- Un outil pour mesurer et améliorer la qualité de l’emploi dans les pays en développement
- Guide pour mesurer les emplois décents pour les jeunes : Suivi, évaluation et apprentissage dans les programmes du marché du travail
- Idées et conseils pour renforcer les pratiques en suivi et évaluation