Suivre les progrès des programmes de lutte contre la corruption dans les pays en développement

La corruption reste l’un des principaux obstacles au développement dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire. Elle mine la confiance des citoyens et partenaires, freine les investissements et compromet la qualité des services essentiels comme l’éducation, la santé ou l’accès à l’énergie. La lutte contre ce fléau est aujourd’hui au cœur des priorités mondiales. Au cours de ces deux dernières décennies, plusieurs gouvernements ont mis en place des programmes de lutte contre la corruption. Cependant, une question centrale demeure : comment mesurer les progrès réels de ces initiatives ? Cet article de blog explore les approches, les outils et les bonnes pratiques permettant de suivre les progrès des programmes de lutte contre la corruption.

Le suivi-évaluation : la clé d’une lutte anticorruption efficace

La corruption englobe un ensemble de pratiques qui faussent les décisions publiques, nuisent à la confiance citoyenne et ralentissent la croissance. Selon la Banque mondiale, la corruption « affaiblit les institutions, érode le tissu social et détourne les ressources publiques au détriment des plus pauvres ». Les pertes liées à la corruption mondiale sont évaluées à plus de 2 600 milliards de dollars par an (soit 5 % du PIB mondial). Dans les pays en développement, les conséquences sont encore plus dévastatrices. Les fonds destinés à la santé, l’énergie, l’éducation ou l’agriculture sont parfois siphonnés.

Pour éliminer ce fléau, il ne suffit pas de lancer un programme ou d’adopter des réformes. Il faut un suivi-évaluation rigoureux pour s’assurer que les initiatives produisent réellement les effets attendus. Le S&E offre plusieurs avantages. Il rend visible la progression des actions et des résultats. Cela permet donc de renforcer la transparence gouvernementale et la responsabilité des institutions. Il fournit aussi des données pour l’apprentissage organisationnel. Grâce à ces données, les programmes anticorruptions peuvent être ajustés, optimisés et orientés vers l’impact. Le S&E crée donc les conditions d’une reddition de comptes crédible vis-à-vis des citoyens, des partenaires internationaux et des bailleurs. Cela renforce la légitimité des institutions et leurs réformes.

Les outils et approches pour mesurer les progrès des programmes anticorruptions

Mesurer les progrès des programmes anticorruptions est un exercice complexe. La corruption évolue avec les contextes politiques, économiques et culturels. Il existe toutefois plusieurs outils de suivi et d’évaluation permettant d’apprécier les avancées dans cette lutte et d’orienter les réformes.

Les indices internationaux : un baromètre global

Les indices de perception jouent un rôle essentiel dans le suivi-évaluation des programmes de lutte contre la corruption. Le plus connu est l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Il est publié chaque année et classe plus de 180 pays selon le niveau perçu de corruption dans le secteur public. Cet indice reste une référence pour suivre les tendances et attirer l’attention sur les zones à risques. De son côté, le Worldwide Governance Indicators (WGI) de la banque mondiale permet de mesurer la qualité de la gouvernance à travers six dimensions, dont la stabilité politique et la maîtrise de la corruption.

Les enquêtes nationales : pour un suivi-évaluation contextualisé

Les enquêtes auprès des fonctionnaires, des entreprises et des ménages complètent les données chiffrées et apportent une dimension humaine et contextuelle. Elles permettent d’identifier les secteurs les plus touchés (marchés publics, santé, justice et autres) et d’évaluer la perception des réformes engagées.

Les audits institutionnels et le suivi budgétaire

Les organes de contrôle (cours des comptes, inspections générales, autorités anticorruptions) jouent un rôle clé dans le suivi interne des programmes. Bien que souvent insuffisants, les audits publics, la publication des rapports budgétaires et les revues de dépenses publiques permettent de détecter dans une certaine mesure les irrégularités et de renforcer la transparence dans la gestion des fonds publics.

Les évaluations participatives et la reddition de comptes

Au-delà des données techniques, la lutte contre la corruption repose sur la recevabilité sociale. Les budgets participatifs, les observatoires citoyens et les coalitions société civile-État permettent d’intégrer les citoyens dans le suivi des politiques publiques. Les gouvernements peuvent par exemple utiliser de nouvelles technologies pour renforcer la participation des citoyens. Ils peuvent aussi mettre en place des systèmes de dénonciation sécurisés ou développer des applications mobiles de reporting citoyen. Cette approche collaborative renforce la confiance et améliore la qualité des politiques publiques.

Les défis et limites du suivi des programmes de lutte contre la corruption

Malgré les efforts considérables déployés ces dernières années, la mise en œuvre et le suivi des programmes anticorruptions demeurent confrontés à plusieurs défis structurels et contextuels. Ces obstacles freinent souvent la capacité des pays en développement à produire des résultats durables et mesurables.

Le manque de données fiables et comparables

L’un des premiers obstacles est l’insuffisance des données fiables. La corruption, par nature, est dissimulée. Elle ne laisse pas toujours de traces comptables ou juridiques. Les statistiques disponibles se basent souvent sur des perceptions plutôt que sur des faits véritables. De plus, les méthodes de collecte et les définitions varient d’un pays à un autre. Cela rend parfois difficile toute comparaison internationale. Par exemple, un pot-de-vin en zone rurale peut être perçu comme une « coutume » dans un contexte donné, alors qu’il est clairement un acte de corruption ailleurs.

La résistance politique et les conflits d’intérêts

Dans certains pays en voie de développement, la corruption est enracinée dans les réseaux de pouvoir. Les résistances politiques constituent un frein majeur à la transparence. Certains dirigeants peuvent hésiter à publier les résultats d’évaluations qui révèlent des failles dans la gestion publique. Les mécanismes de suivi deviennent alors symboliques ou instrumentalisés à des fins politiques. Cela affaiblit la crédibilité des institutions et décourage la participation citoyenne.

Le manque de coordination entre acteurs

La lutte contre la corruption implique plusieurs acteurs (gouvernement, société civile, secteur privé, partenaires techniques et financiers). Le manque de coordination entre ces acteurs crée des duplications et une dispersion des ressources. Pour être efficaces, les systèmes de suivi-évaluation doivent s’inscrire dans une stratégie nationale intégrée où les rôles et responsabilités de chacun sont bien définis.

Insuffisance de capacités intellectuelles

Dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, les institutions chargées du contrôle manquent souvent de moyens humains, financiers et technologiques. Leur indépendance est parfois compromise par les influences politiques. Le renforcement des capacités institutionnelles doit être donc une priorité, car sans compétences techniques ni autonomie, même les meilleurs outils ne peuvent produire d’impact réel.

Perspectives pour renforcer le suivi des programmes de lutte contre la corruption

Face aux défis identifiés, il est nécessaire de trouver de nouvelles approches pour rendre le suivi des programmes anticorruptions plus efficace, plus participatif et mieux ancré dans les dynamiques locales. Expert en suivi et évaluation, Kerus Consulting International partage avec vous quelques recommandations.

  • Privilégier les systèmes de suivi intégrés et transparents : l’interopérabilité des bases de données permet de détecter plus rapidement les anomalies et de renforcer la redevabilité en temps réel.
  • Promouvoir la transparence proactive et la participation citoyenne: les gouvernements doivent faire de la transparence une culture institutionnelle.
  • Renforcer la coopération régionale et internationale : aucune nation ne peut lutter seule contre la corruption. Des initiatives comme la convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) offrent des cadres efficaces pour la coopération technique, le partage de données et la formation institutionnelle.
  • Miser sur les données ouvertes et l’intelligence artificielle : l’open data et l’IA ouvrent de nouvelles perspectives pour le suivi-évaluation.

Grâce à l’analyse automatisée des transactions publiques, des marchés et des appels d’offres, il devient possible de repérer les schémas de risques et de détecter plus rapidement les pratiques frauduleuses.

Conclusion

Suivre les progrès des programmes de lutte contre la corruption n’est pas un simple exercice technique. Il s’agit d’un acte de gouvernance, un levier de confiance et un marqueur de responsabilité publique. Les pays en développement qui investissent dans la transparence, la technologie et la participation citoyenne posent des bases d’un développement plus juste, plus inclusif et plus durable. Le rôle des acteurs spécialisés en suivi-évaluation et gouvernance comme Kerus Consulting International est déterminant pour réussir à transformer les intentions en résultats mesurables et les engagements en impacts concrets.

 Références

  • Comment mesurer la corruption ?, Organisation mondiale des Douanes
  • Programme mondial de lutte contre la corruption
  • Indicateur de contrôle de la corruption
  • Suivi et évaluation sur mesure des agences de lutte contre la corruption
  • Les difficultés de la lutte contre la corruption : l’expérience de quatre pays en développement

 

 

 

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2 Responses

    1. Merci beaucoup pour votre commentaire! Nous sommes ravis que le contenu vous ait plu.
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