Mesurer les changements institutionnels : le rôle du suivi-évaluation dans la réforme de la gouvernance

Dans de nombreux pays, la réforme de la gouvernance s’impose comme un enjeu majeur pour renforcer la démocratie, améliorer l’efficacité des institutions publiques et répondre efficacement aux attentes des citoyens. Cependant, la réforme de la gouvernance ne se résume pas à adopter de nouvelles lois ou à créer des organes administratifs. C’est un processus profond, complexe et souvent long qui touche les structures formelles, les pratiques et les comportements. Dans ce contexte, le suivi-évaluation (S&E) apparaît comme un outil stratégique pour réussir cette transformation. Il ne s’agit pas seulement de contrôler la mise en œuvre des réformes, mais surtout de chercher à savoir si et comment elles produisent de véritables changements institutionnels. Cet article explore le rôle du S&E dans l’accompagnement des réformes de gouvernance.

Comprendre la réforme de la gouvernance et ses défis de mesure

Selon le Fonds Monétaire International (FMI), la gouvernance regroupe les traditions et les institutions par lesquelles le pouvoir est exercé dans un pays. Elle englobe la manière dont les gouvernements sont choisis, contrôlés, surveillés et éventuellement remplacés, la capacité à formuler et appliquer des politiques efficaces ainsi que le respect des institutions qui régulent les relations économiques et sociales. La réforme de la gouvernance implique donc la transformation des cadres formels et informels du gouvernement (lois, structures administratives, règlements) mais aussi des pratiques (comportements, normes et culture). Elle concerne aussi les relations entre les acteurs (état, société civile et secteurs privés et les capacités de mise en œuvre).

Les réformes institutionnelles présentent plusieurs caractéristiques qui les rendent complexes à suivre et à mesurer. Son évaluation pose plusieurs défis : la différenciation entre les outputs, outcomes et impacts, la disponibilité et la fiabilité des données, l’attribution des effets ainsi que le caractère intangible de certains changements. Par ailleurs, les indicateurs standards internationaux ne sont pas parfois adaptés aux réalités locales. Tous ces éléments compliquent l’appréciation des résultats dans le cadre d’une réforme institutionnelle.

Le rôle du suivi-évaluation dans les réformes de gouvernance

Dans un contexte où les réformes de gouvernance sont complexes et évolutives, le S&E ne peut plus être perçu comme un simple instrument de contrôle. Il doit être reconnu comme un levier stratégique favorisant l’amélioration continue des politiques publiques, l’apprentissage et l’adaptation.

Du contrôle à l’apprentissage

Dans les réformes de gouvernance, réduire le S&E à un simple mécanisme de vérification est insuffisant. Le suivi-évaluation doit être conçu comme un outil d’apprentissage adaptatif. L’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) souligne que l’évaluation doit permettre de comprendre « ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et pourquoi » afin d’améliorer les décisions futures. On ne doit pas se limiter à une logique de sanction. La Banque mondiale parle de « adaptive learning ». Les gouvernements doivent ajuster les réformes en fonction des résultats observés.

S&E : un outil de redevabilité et de transparence

Les réformes de gouvernance visent précisément à renforcer la responsabilité publique et la transparence. Le S&E joue ici un rôle clé. En produisant des données publiques sur la mise en œuvre des réformes, il permet aux citoyens, parlements et bailleurs de demander des comptes. La diffusion des résultats d’évaluation réduit l’asymétrie d’information entre gouvernants et gouvernés et favorise la redevabilité. Dans certains pays comme le Mexique, les rapports d’évaluation des politiques sociales sont rendus publics. Cela permet aux médias et surtout aux citoyens d’évaluer la performance gouvernementale.

Faciliter l’approbation et la participation

Le succès d’une réforme institutionnelle dépend largement de son approbation par les différents acteurs. Le S&E peut devenir un outil participatif, inclusif et mobilisateur. En impliquant les différentes parties dès la définition des indicateurs et jusqu’à l’analyse des résultats, le suivi-évaluation favorise le dialogue démocratique. Selon World Bank Institute, la participation citoyenne au suivi et évaluation améliore la qualité des services et la légitimité des réformes.

Méthodes et approches pour mesurer les changements institutionnels

Mesurer les changements institutionnels liés aux réformes de gouvernance est une tâche complexe. Contrairement à des projets d’infrastructures où les résultats sont perceptibles et quantifiables, les réformes institutionnelles se traduisent par des évolutions plus intangibles. Pour répondre à ce défi, différentes méthodes et approches ont été développées. Elles combinent des outils quantitatifs et qualitatifs.

Indicateurs de gouvernance

Les indicateurs permettent de suivre l’évolution des institutions sur des dimensions clés.

  • Indicateurs mondiaux de gouvernance de la Banque mondiale : ils couvrent six dimensions (stabilité politique, qualité de la réglementation, efficacité gouvernementale, État de droit, lutte contre la corruption, voix et responsabilité).
  • Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) : centré sur le continent africain, l’IIAG évalue la sécurité, l’État de droit, la participation, les droits humains et le développement économique durable.

Ces indicateurs permettent d’avoir une vision comparative dans le temps et entre pays. Ils doivent être complétés par des outils plus contextualisés.

Les méthodes quantitatives

Les données statistiques sont importantes pour mesurer les résultats tangibles.

  • Sondage d’opinion : les citoyens peuvent être interrogés régulièrement sur la gouvernance, la démocratie, la lutte contre la corruption et les services publics.
  • Données administratives : il peut s’agir par exemple du délai de traitement des dossiers, le nombre de plaintes enregistrées et résolues, les taux de participation aux élections et autres. Elles donnent des mesures factuelles de performance.
  • Indices nationaux spécifiques : certains pays définissent leurs propres baromètres pour évaluer les réformes de la gouvernance. En Afrique, le Rwanda par exemple a défini un indicateur de performance institutionnel pour suivre la réforme de l’administration publique.

Les méthodes qualitatives

Les méthodes qualitatives permettent de capter les dimensions plus subtiles des réformes de la gouvernance.

  • Études des cas : elles permettent d’analyser en profondeur les réformes spécifiques en identifiant les obstacles, les innovations et les effets inattendus (Exemple : analyser comment une loi sur la transparence budgétaire est appliquée dans différents ministères).
  • Entretiens avec les parties prenantes : utiles pour appréhender les perceptions des acteurs, leur approbation des réformes, les dynamiques de pouvoir et les leviers de changement.
  • Observation participative : elle consiste à suivre le fonctionnement d’une institution pour identifier les pratiques réelles au-delà des textes.

Les méthodes mixtes

La combinaison des approches permet d’éviter les biais. On peut donc associer les indicateurs quantitatifs (nombre de lois adoptées, taux de résolution des cas de corruption) et les méthodes qualitatives (degré de confiance dans les institutions, perception des citoyens et autres). Les organisations internationales comme la Banque mondiale et le PNUD recommandent fortement les méthodes mixtes pour la gouvernance. Elles permettent de croiser les données « dures » et les données « vécues ».

Suivi des proxys du changement

Certains effets de la gouvernance sont difficiles à mesurer. Pour cela, on utilise des indicateurs indirects (proxys).

  • Participation citoyenne : taux de consultation publique, nombre de demandes d’accès à l’information.
  • Transparence administrative : disponibilité des budgets en ligne, délais de publication des rapports.
  • Efficacité bureaucratique : temps moyen pour obtenir un document officiel, digitalisation des procédures.

La gouvernance est un processus partagé. Il est donc primordial de miser sur l’implication de toutes les parties prenantes, notamment les citoyens. Comme approche, on a les audits sociaux, les ateliers multi-acteurs pour co-construire les indicateurs de gouvernance adaptés au contexte local.

Quelques recommandations pour une meilleure évaluation des réformes institutionnelles

La gouvernance reste un champ dynamique et multidimensionnel. Elle évolue selon les réformes politiques, les pressions sociales, les transformations technologiques et les crises économiques. Dans un tel contexte, le S&E doit s’adapter pour rester utile et pertinent.

Flexibilité méthodologique

Les réformes de gouvernance varient d’un pays à un autre selon l’histoire, les institutions, les rapports de force et la culture politique. Le S&E doit éviter une logique de « copier-coller » des indicateurs.

Apprentissage par expérimentation

Le S&E doit non seulement « juger » mais aussi favoriser l’apprentissage collectif. L’expérimentation et la co-construction d’outils de suivi avec les acteurs locaux améliorent la légitimité et la pertinence des réformes. La participation des citoyens à l’analyse de la gouvernance permet aussi de produire des réformes plus ancrées dans la réalité sociale.

Contextualisation des indicateurs

Un indicateur de gouvernance n’a de sens que s’il reflète la priorité et la culture locale. L’OCDE recommande le choix des indicateurs « sur-mesure », construits avec les parties prenantes locales plutôt que de s’appuyer exclusivement sur les indices globaux comme le Worldwide Governance Indicators (WGI).

Conclusion

Mesurer les changements institutionnels dans le cadre des réformes de gouvernance constitue un défi majeur. Les transformations touchent des dimensions complexes. Cependant, lorsque le S&E est conçu de manière pragmatique, il offre un levier essentiel pour rendre visibles ces évolutions. Contactez Kerus Consulting International dès aujourd’hui et assurez-vous que vos réformes produisent un impact mesurable et durable.

Références

  • Le suivi et l’évaluation systémiques au service de la gouvernance des projets et politiques publiques
  • Optimiser l’exploitation des informations issues du suivi et de l’évaluation
  • Indicateurs de gouvernance mondiale
  • Suivi et évaluation des politiques publiques
  • L’évaluation des politiques publiques : un instrument au service de la réforme de l’État

 

 

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