Ces dernières années, les pays à faible revenu ont été confrontés à de grands défis, dont la pandémie COVID-19. Même si aucun pays n’a été épargné par les conséquences de cette pandémie, force est de constater que l’ampleur de ses impacts a varié en fonction des capacités des États à réagir efficacement. La COVID-19 a révélé les failles des systèmes de santé particulièrement prononcées dans les pays en développement (accès limité aux ressources médicales, infrastructures de santé fragiles, forte dépendance à l’aide extérieure). Cependant, malgré ces obstacles, ces pays ont fait preuve d’une résilience remarquable offrant de précieuses leçons pour la gestion de futures crises sanitaires. À travers cet article, Kerus Consulting International revient sur les leçons tirées de l’évaluation des réponses à la COVID-19 dans les pays à faible revenu.
Des systèmes sanitaires sous pression avant même la pandémie COVID-19
Avant d’évaluer les réponses apportées à la crise sanitaire COVID-19, il est important de faire l’état des lieux. Certaines réalités structurelles ont conditionné les choix politiques, les interventions et les résultats observés. Certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, Asie du Sud et en Amérique latine ont dû faire face à cette crise sanitaire dans un contexte déjà marqué par des vulnérabilités systémiques.
Systèmes de santé fragiles
Avant la pandémie COVID-19, la plupart des pays à faible revenu étaient confrontés à des systèmes sanitaires fragiles. Cela inclut un manque de laboratoires modernes, une faible densité du personnel médical, des hôpitaux sous-équipés et un financement public insuffisant. Par exemple, selon les données statistiques publiées en 2022 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Afrique dispose en moyenne de 1,3 médecin pour 10 000 habitants contre 34 pour 10 000 en Europe. Ce déséquilibre s’est traduit par une capacité limitée à prendre en charge un flux de patients atteints par la COVID-19, notamment ceux ayant besoin des soins intensifs.
Dépendance accrue de l’aide extérieure et accès inégal aux vaccins
Les inégalités en matière d’accès aux vaccins ont levé le voile sur une autre réalité qu’est la forte dépendance des pays en développement de l’aide extérieure. Il faut toutefois souligner que la mise en place du mécanisme multilatéral COVAX a permis de garantir un accès équitable aux vaccins contre la pandémie COVID-19. Ainsi, plusieurs pays à faible revenu ont accédé aux premières doses de vaccins, mais souvent avec un certain retard et en quantité limitée. Au premier trimestre 2022, moins de 20 % de la population des pays en développement avait reçu une première dose du vaccin contre 70 % dans les pays développés.
Contraintes économiques
Une grande partie de la population des pays à faible revenu tire ses revenus du secteur informel, souvent sans aucune protection sociale. Les mesures de confinement ont eu un impact économique immédiat et significatif, menaçant la survie quotidienne de nombreuses familles. La pandémie COVID-19 a entraîné l’augmentation du taux mondial d’extrême pauvreté. En 2020, la Banque Mondiale sonnait l’alarme estimant qu’entre 88 millions et 115 millions de personnes supplémentaires pourraient tomber dans l’extrême pauvreté à cause de la COVID-19.
Quelles sont les réponses apportées à la pandémie COVID-19 ?
En dépit des contraintes structurelles, les pays à faible revenu ne sont pas restés les bras croisés face à la pandémie COVID-19. La plupart de ces pays ont su faire preuve de réactivité, de pragmatisme et d’innovation. Ils ont fait des choix en tenant compte des réalités locales.
Mobilisation communautaire et réponse décentralisée
Face au manque de ressources humaines, plusieurs gouvernements ont rapidement délégué certaines responsabilités aux acteurs locaux (chefs de village, organisations religieuses et communautaires, autorités traditionnelles). Cela a permis de diffuser facilement les messages de prévention, d’organiser des campagnes de sensibilisation et de renforcer la confiance des populations dans les mesures sanitaires. Au Sénégal, par exemple, les marraines de quartier, localement appelées « Bajenu Gox », ont joué un rôle important dans la sensibilisation au port du masque, au lavage des mains et à la vaccination.
Adoption de solutions technologiques adaptées
Certains de ces pays comme le Rwanda ont recouru à des technologies simples, mais efficaces pour faire face à la pandémie. Le gouvernement rwandais a utilisé des drones pour diffuser des messages de prévention dans les zones difficiles d’accès. En Ouganda, des plateformes SMS ont permis de relayer des informations sanitaires et de diffuser les symptômes à distance. Ces innovations ont permis de compenser le manque d’infrastructures classiques de communication ou de santé.
Partenariat avec des acteurs non étatiques
De nombreuses entreprises locales, ONG, université et start-ups ont été prises en compte dans les plans de riposte. Par exemple, l’Institut Noguchi au Ghana a participé à la formation du personnel et la validation des tests de diagnostic. Les gouvernements ont collaboré avec les coopératives artisanales et les couturiers pour produire localement des masques. C’est le cas de l’Éthiopie, le Bénin, le Togo et autres. Ce partenariat public-privé est indispensable dans un contexte où l’État seul ne pouvait répondre à l’ampleur de la crise sanitaire.
Quelles leçons tirées de l’évaluation des réponses à la COVID-19 dans les pays à faible revenu ?
Les réponses des pays à faible revenu à la pandémie COVID-19 révèlent des enseignements importants pour renforcer leurs systèmes de santé et pour améliorer la gouvernance sanitaire mondiale. Voici les principales leçons tirées.
Investir dans le renforcement des systèmes de suivi et évaluation des politiques sanitaires pour une meilleure réactivité
Une faiblesse fréquente observée dans la plupart des pays en développement a été l’absence ou l’insuffisance de dispositifs robustes du S&E des politiques sanitaires. Cette lacune a entravé la capacité des gouvernements à ajuster rapidement leurs stratégies, allouer efficacement les ressources et rendre compte de leurs résultats. Avec des systèmes d’information sanitaires fonctionnels, les épidémiologistes auraient pu détecter le plus tôt possible les foyers épidémiques, mesurer l’efficacité des interventions et ajuster en temps réel les mesures de ripostes. Par exemple, la centralisation des données de test et vaccination à travers une plateforme numérique nationale facilite le pilotage stratégique des crises. Il est donc essentiel d’investir dans le renforcement des systèmes de S&E pour faciliter la collecte, l’analyse et la diffusion des données sanitaires.
Miser sur une approche communautaire et contextualisée
La crise sanitaire liée à la COVID-19 a démontré que les réponses les plus efficaces sont souvent celles qui s’appuient sur les réseaux communautaires solides et culturellement adaptés. Les pays en développement ont su tirer parti de la confiance sociale et des liens communautaires pour relayer les messages sanitaires, faire accepter les mesures de prévention et encourager la vaccination. Il serait donc judicieux de renforcer les systèmes de santé communautaires en intégrant les acteurs traditionnels et les agents de santé dans la planification des politiques de santé.
Diversifier les chaînes d’approvisionnement médical
La dépendance vis-à-vis des importations de médicaments, d’équipement et de vaccins a montré les limites de l’autonomie sanitaire de nombreux pays. En stimulant la production locale, même à petite échelle, il est possible de mieux répondre aux défis sanitaires. Les gouvernements doivent soutenir les industries pharmaceutiques et établir des partenariats régionaux pour mutualiser les ressources et renforcer la résilience des systèmes de santé.
Investir dans la santé publique comme pilier du développement
La pandémie COVID-19 a rappelé que la santé n’est pas seulement une affaire médicale, mais un facteur clé de stabilité sociale, économique et politique. Les pays qui investissent dans la prévention, la formation des professionnels et les systèmes d’information sanitaires ont mieux résisté à cette épidémie. Les gouvernements des pays à faible revenu doivent donc augmenter de manière structurelle les budgets alloués à la santé et intégrer les risques sanitaires dans les stratégies de développement durable.
En résumé, la pandémie COVID-19 a révélé des failles structurelles dans les systèmes sanitaires des pays en développement, mais elle a aussi mis en lumière leur capacité d’adaptation, d’innovation et de mobilisation locale. En tirant les leçons de cette crise, ces pays peuvent bâtir des systèmes de santé plus résilients et équitables. Chez Kerus Consulting International, nous accompagnons les gouvernements, ONG et institutions dans l’élaboration de cadres de suivi-évaluation des politiques de santé alignés sur les standards internationaux et adaptés aux contextes locaux. Contactez-nous pour consolider les acquis et co-construire des solutions durables en matière de santé publique, de gouvernance sanitaire et de réponse aux urgences afin d’anticiper les prochaines crises.
Références :
- Nous avons mené 50 000 entretiens en Afrique subsaharienne sur la vaccination contre la COVID-19 depuis 2020 – voici ce que nous avons appris
- Identifier les défis et les solutions prioritaires pour la distribution du vaccin contre la COVID-19 dans les pays à revenu faible et intermédiaire : une étude Delphi modifiée
- L’impact de la COVID-19 et des réponses nationales à la pandémie sur l’utilisation des services de santé dans sept pays à revenu faible et intermédiaire
- Tirer les leçons de la pandémie de COVID-19 pour renforcer la préparation des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire aux futures menaces sanitaires mondiales.